Obsèques de Raoul OLLIER, 71 ans, le 4 septembre 1997.
Texte de Pierre-François ALEIL, membre de « l'Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Clermont-Ferrand »
Raoul OLLIER (1926-1997)
Avec surprise et beaucoup d'émotion, ses nombreux amis ont appris le 2 septembre 1997, le décès subit de notre confrère Raoul OLLIER.
Authentique auvergnat, Raoul OLLIER, doit aux hasards des affectations de son père, militaire de carrière, de naître à Lyon, le 2 juillet 1926. Ses racines familiales sont étroitement livradoises, le Vernet-La-Varenne pour la branche paternelle, Saint-Jean-Saint-Gervais pour la famille de sa mère. Il était très fier de ses origines, au point de conduire dans les années 1980 les caméras de FR3 Lyon au hameau d'Escout, lieu de naissance de son père, dans le cadre de l'émission « Une vie ».
Par suite d'un changement de garnison, la famille OLLIER quitte les rives de la Saône pour celles du Cher, et c'est à Montluçon que Raoul accomplit toute sa scolarité primaire. La fin d'un engagement après quinze ans de service et l'obtention d'un emploi réservé à la manufacture des tabacs de Riom marquent le retour en terre auvergnate. Raoul entre alors en sixième au collège Michel de l'Hospital, installé dans les murs de l'ancien établissement des Pères de l'Oratoire, où il effectue un parcours sans faute jusqu'en classe terminale.
Très engagé dans le scoutisme qui répondait bien à son désir d'ordre et de rigueur, il ne reste pas insensible aux événements tragiques qui traversait la France vaincue et occupée. L'extrême discrétion dont il entourait son passé, ne nous permet pas de savoir dans quelles circonstances il fut en contact avec la Résistance et entra au réseau « Gallia ». Il paraît avoir joué un rôle important de renseignement et de liaison avec les maquis du Livradois et des Combrailles , puis participa aux combats de Libération , dans la région d'Issoire.
Sa conduite exemplaire dans la clandestinité et sur le théâtre des opérations fut reconnue par l'attribution de La Croix de Guerre 1939-1945, de la Médaille de La Résistance , de La Croix du Combattant Volontaire et aussi d'une décoration britannique, la D.E.S., distinction pour services extraordinaires.
Éducateur, discret sur ses faits d 'armes personnels, Raoul OLLIER eut à cœur que soit conservé, pour les générations à venir, le souvenir de la lutte contre l'occupant et l'idéologie nazie. C'est à ce titre de témoin et d'acteur qu 'il accepte d'être la cheville ouvrière de la constitution d'un fonds de documentation sur la Résistance à Issoire et dans sa région durant la seconde guerre mondiale.
Titulaire de la carte de Combattant, il assura pendant plusieurs années la charge de trésorier de la section Arverne de l'Université combattante et milita dans les associations locales d'Anciens Combattants. Ses origines et son passé le portèrent naturellement à s'intéresser à tout ce qui touche à l'Armée Française.
Il assistait assidûment aux manifestations organisées à l'ENTSOA, dernier vestige des activités militaires à Issoire dans le quartier des casernes. C'est sans doute avec une certaine nostalgie qu'il se rendit à plusieurs reprises aux baptêmes des promotions de Saint-Cyr et de Saumur.
Au lendemain des hostilités, Raoul OLLIER s’inscrit à la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand pour la préparation d'une licence d'histoire et géographie. C'est dans les locaux de l'avenue Carnot et dans la salle Marc Bloch que je l'ai rencontré pour la première fois, au cours de nos maîtres André Bossuat, Louis Harmand, Jacques Droz et Philippe Arbos. Les effectifs d'alors étaient si peu nombreux qu'il était impossible de ne point se connaître, surtout entre garçons dans un univers alors massivement féminin. Nos rencontres ne furent cependant pas aussi fréquentes qu'elles auraient pu l'être. En qualité d'Ancien Combattant le jeune Raoul bénéficiait des sessions spéciales d'examen et il n'assistait pas à tous les cours, en raison des fonctions de surveillant qu'il occupait tout en préparant la licence puis un diplôme d'études supérieures d'histoire du Moyen-Âge consacré aux corporations de la ville de Riom.
Les mouvements annuels des délégués rectoraux conduisirent Raoul OLLIER du Petit Lycée de Clermont à Montluçon, Saint-Flour et Issoire. Devenu adjoint d'enseignement titulaire, il milite au sein du syndicat général de l’Éducation Nationale et est élu membre de la commission nationale de sa catégorie . Nommé professeur certifié d'histoire et de géographie par intégration, il revient successivement aux collèges de Saint-Flour en 1956 puis d'Issoire. C'est d'abord au collège Pomel, puis au lycée Murat de cette ville qu'il professera avec autorité et compétence jusqu'à sa retraite en 1987.
Qu'une personnalité aussi forte que celle de Raoul OLLIER ait marqué profondément les générations d'élèves qui ont bénéficié de son enseignement pendant plus de quarante ans, est une évidence. On ne pouvait rester indifférent à ses idées, même si on ne les partageait pas toujours. Chrétien convaincu, très attaché à l'idéal de la laïcité dans ce qu'il représente de plus noble, il manifestait une liberté de jugement sans compromission aucune.
Raoul OLLIER trouva à Issoire, devenue sa ville, un cadre favorable à l'épanouissement de son besoin de servir et de communiquer, s'investissant sans compter dans de nombreuses associations. Adepte des idées européennes et de la réconciliation entre les peuples, il fut à l'origine du jumelage entre Issoire et la ville allemande de Neumarkt, assurant la présidence du comité depuis sa création en 1972 jusqu'en 1981, mais c'est dans l'animation culturelle et touristique d'Issoire qu'il donna toute sa mesure. Vice-président de l'Office de Tourisme pendant 25 ans, il fut la cheville ouvrière de « La Maison des Parcs » depuis sa création, et l'initiateur du C.L.A.C. (Centre de Loisirs et d'Animation Culturelle). Au fil des années, son intérêt se focalisa plus particulièrement sur le joyau de l'art roman qu'est l'église paroissiale dédiée à Saint-Austremoine, devenue « son abbatiale », titre auquel il tenait, et sur lequel nous le taquinions volontiers. Il nourrissait pour cet édifice majeur, dont il connaissait les moindres détails, une passion qui occasionnellement frisait la jalousie ! Bénévole désintéressé, guide incomparable, il assurait des visites régulières, deux fois par semaine, pendant la saison estivale et de nombreuses visites exceptionnelles tout au cours de l'année, surmontant la fatigue en dépit d'une santé un moment chancelante. Il avait suivi attentivement les importantes campagnes de travaux qui devaient rendre à l'abbatiale sa beauté originelle, critiquant à l'occasion certaines restaurations telle que celle du décor intérieur du XIXème siècle, dû à Anatole d'Auvergne. Avec un art consommé, il savait communiquer au visiteur le message spirituel qu'il avait cru découvrir dans l'architecture et la sculpture. Installé à l'ombre de « son » abbatiale, il portait le plus grand intérêt au Viel Issoire, veillant au maintien de son caractère et déplorant à l'occasion certains aménagements qui le dénaturaient.
L’intérêt qu'il portait à l'Auvergne ses traditions et son histoire conduisit Raoul OLLIER à participer activement aux sociétés savantes et aux travaux d'érudition. Membre associé correspondant de notre compagnie depuis 1969, il en devint membre titulaire non résidant en1972, occupant, au moment de son décès la 13ème place dans l'ordre d'ancienneté. Peu de nos confrères peuvent revendiquer une aussi grande assiduité aux réunions mensuelles du 1er jeudi du mois puis du 1er mercredi du mois. Ces séances bénéficiaient dans son emploi du temps d'une priorité absolue. Membre de la commission des élections et commissaire aux comptes il effectuait sa mission de contrôle sur la gestion complexe de l'Académie avec une rigueur toujours accompagné d'une touche d'humour.
Ses recherches sur le Val d'Allier et plus spécialement sur la région d'Auzon où il possédait des attaches familiales amenèrent Raoul OLLIER à collaborer aux travaux de la société de l'Almanach de Brioude. Il publia de 1973 à 1979 dans ses volumes annuels des articles remarqués, en particulier ceux consacrés aux bacs d'Auzon au XVIIIème siècle, aux inondations et projets de protection de la plaine entre Cohade et Auzon et aussi à la légende du Christ lépreux de la Bajasse. A l'occasion de son 60ème anniversaire, il dressa en collaboration avec Paul Daumas et Albert Masboeuf, la table des articles parus de 1920 à 1980 dans l'Almanach. De 1981 à 1989 il tint régulièrement la rubrique des livres reçus, les analysant avec précision et pertinence. Progressivement il fut amené à prendre des responsabilités croissantes dans le comité. Assurant le secrétariat des séances en 1982 et 1983, il devint secrétaire général adjoint à la mort de Paul Daumas, membre titulaire de notre Académie, dont il prononça l'éloge devant nous.
A ces nombreuses contributions, il conviendrait d'ajouter de nombreux articles parus dans des publications très diverses et aussi ses prestations à la radio ou à la télévision. Jamais on ne faisait appel en vain à la collaboration désintéressée de Raoul OLLIER lorsqu'il s'agissait de défendre ou de promouvoir les idées qui lui tenaient à cœur. Au moment où la mort vint le surprendre, il semble que l'idée de donner à Issoire et à sa région une publication indépendante était sur le point d'aboutir. Nul doute qu'il eût tenu une place éminente dans le comité directeur.
La mort subite et prématurée de Raoul OLLIER conduisit ses confrères à s'interroger sur sa personnalité, et force leur fut de constater qu'ils le connaissaient peu, même ceux qui, comme moi, l'avaient côtoyé depuis plus de cinquante ans.
Tout en faisant preuve d'une certaine jovialité et d'une cordialité réelle, Raoul OLLIER n'était pas de nature à se livrer, il n'appelait pas à la confidence.
Nous conservons de lui l'image d'un homme de bien et de devoir, d'un esprit distingué que notre compagnie s'est honorée d'avoir appelé parmi ses membres.
Que Madame OLLIER, ses enfants, son frère Robert, et toute sa famille reçoivent l'assurance de la sympathie de l'Académie des Sciences , Belles-lettres et Art de Clermont.
Texte de Pierre-François ALEIL, membre de « l'Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Clermont-Ferrand »

Raoul OLLIER faisant visiter l'abbatiale